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« Balance ton Patriarcat »



« Ils parlent tous comme des animaux, de toutes les chattes ça parle mal : 2018 j'sais pas c'qui t'faut mais je suis plus qu'un animal. J'ai vu qu'le rap est à la mode et qu'il marche mieux quand il est sale ! Bah faudrait p't'être casser les codes, une fille qui l'ouvre ça serait normal… » Avec son titre « Balance ton quoi », la chanteuse Angèle s’attaque au sexisme ordinaire et donne une leçon de féminisme à toute une assemblée de mâles un peu lourdauds. Taclé par le #metoo, le patriarcat, où l’abus de pouvoir masculin ne fait pas débat, est un système à déconstruire… On s’y emploie dès maintenant !


Le côté obscur du bon père de famille

Dans l’antiquité romaine, Le pater familias, le père de famille, est celui qui détient l’autorité absolue sur tous les membres de sa famille. Il possède un droit de vie ou de mort sur eux. Une femme, si tant est que son mari ne la répudie pas, reste sous son autorité toute sa vie : elle ne dispose pas de droits d’un point de vue juridique.


Le patriarche, c’est aussi une fonction, un titre honorifique attribué dans l’Eglise romaine ou orthodoxe. Synonyme d’autorité établie. Et, là encore, sans même parler d’autorité divine, d’autorité masculine sur la femme.


Aujourd’hui, le patriarcat, c’est un type d’organisation de société dans lequel les hommes détiennent l’autorité sur les femmes : dans les institutions politiques ou religieuses, le monde économique. Ce sont les mouvements féministes ayant fait entendre leur voix dans les années 1970 qui ont repris le concept de patriarcat pour désigner l’oppression sociale des femmes par un système machiste… et la nécessité d’abolir le système. Et cette domination masculine assumée résonne aussi bien dans la sphère publique que privée avec, à la clé pour les femmes, l’intériorisation de l’idée malsaine qu’elles dépendent de cette autorité, passant au cours de leur vie de la tutelle du père, au mari, au chef. Avec toujours cette idée du moins : moins performante, moins compétente, moins bien payée, moins forte… Because I’m not worth it.


Ce que le patriarcat fait à l’amour


Qui dit patriarcat dit domination masculine… et c’est là que le bas-blesse. L’amour romantique tel que les petites filles l’idéalisent dès l’enfance serait lui-même entaché : la jolie princesse (ah ça… qu’est-ce qu’elle est jolie) attend, impuissante, que le valeureux chevalier vienne la délivrer du dragon.



Coral Herrera Gomez, dans son essai Révolution amoureuse, Pour en finir avec le mythe de l’amour romantiquesouligne cette hiérarchie autoritaire de l’amour femme/homme :


« C’est ainsi que le patriarcat nous veut : lié.es les un.es aux autres par des relations de dépendance mutuelle, et nous toujours en dessous. »


Et si par mégarde le prince, avec les années, a la main leste, c’est nécessairement à cause de l’attitude de la princesse. C’est tout un système de culpabilisation de la victime qui se met en place dans une logique de la domination : la voie royale pour permettre au pervers narcissique d’établir son emprise…


Ce que le Patriarcat inflige aux femmes


Tantôt joli accessoire au bras de l’homme puissant, femelle reproductrice, desperate housewife accro au shopping… Difficile pour la femme de s’épanouir dans un cadre aussi formaté que malveillant, condamnée à subir sa condition de pècheresse originelle responsable des maux des hommes.


« Les femmes joyeuses sont dangereuses pour le système patriarcal, qui nous veut tristes et anesthésiées. » nous dit Coral Herrera Gomez qui propose aux femmes d’entrer en résistance en cultivant leur bien-être :


« Si notre culture nous veut endolories et en guerre contre nous-même, la plus grande rébellion consistera à nous sentir bien, à prendre soin de nous, à être vivantes, heureuses et généreuses pour que notre joie de vivre profite aux autres. »

Entretenues (sic) dans l’idée qu’elles sont un bien joli accessoire qui se doit essentiellement

d’être joli, les jeunes filles se prennent en pleine figure un idéal féminin inatteignable, largement entretenu par les réseaux sociaux. Soyez-belles, soyez minces, soyez parfaites. Au point d’oublier qu’elles ont non seulement voix au chapitre mais qu’elles sont les seules à même de donner le ton de leur existence et que le sexisme n’y a pas sa place. Mona Chollet, dans l’introduction de son essai Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine l’évoque avec justesse


« Écrire un livre pour critiquer le désir de beauté ? "il n'y a pas de mal à vouloir être belle !" m'a t-on objecté lorsque j'évoquais autour de moi le projet de cet essai. Non, en effet : ce désir, je souhaite même le défendre (voir chapitre 2). Le problème, c'est que dire cela à une femme aujourd'hui revient un peu à dire à un alcoolique au bord du coma éthylique qu'un petit verre de temps en temps n'a jamais fait de mal à personne. »


Tu seras un mâle dominant, mon fils - ce que le patriarcat fait (aussi) aux petits garçons


Non, le féminisme et le patriarcat ne sont pas qu’une affaire de femmes. Les grands perdants de ce système ancestral sont aussi les hommes de demain.

Formaté dès leur plus tendre enfance à devenir un mâle alpha, le petit garçon s’interdit progressivement d’écouter sa voix intérieure : rose pour les filles et bleu pour les garçons ! Si la sexualisation des jouets se fait moins fréquente et que les grands-pères d’aujourd’hui sont moins prompts à avoir une syncope à voir leur petit-fils pouponner, il n’en reste pas moins que la sensibilité et l’émotion, c’est toujours une affaire de fille.


Dans le podcast des « Couilles sur la table » animé par Victoire Tuaillon, Carol Gilligan, psychologue étasunienne et co-autrice de Pourquoi le patriarcat ? évoquait avec la journaliste le parcours initiatique des petits garçons dans le patriarcat, où comment dès la maternelle on les déconnectait de leur voix intérieure pour les formater en petits « mâles dominants».

« So with my then student Judy Chu, a brilliant researcher, we began to observe a group of four year old boys (in the U.S. it's called prekindergarten). And Judy followed these boys as they moved from prekindergarten to kindergarten and into first grade. This is in her beautiful book "When boys become "boys"". So here's the finding of the book : she noticed with a four and five year olds is how attentive, how authentic, how articulate and how direct these boys were with one another and with her. And over the three years of the study, she saw how they were gradually becoming more inattentive, more inarticulate, more inauthentic and more indirect with one another and with her. And she talked about how their relational presence was replaced by relational posturing or pretense. She was describing what happens when boys become "boys" or how boys are often said to be. But that's not how they were when they were four and five. And then she said : boys know more than they show. So in other words, what she saw was these little boys resisting an initiation or trying to find strategic ways to deal with the pressures as they entered school to demonstrate that they were one of the boys, in a masculinity that was defined as the opposite of and in opposition to femininity. »

« Avec une de mes étudiantes de l'époque, Judy Chu, une brillante chercheuse, nous avons commencé à étudier le comportement d’un groupe de garçons de quatre ans. Et Judy a suivi ces garçons alors qu'ils passaient de la maternelle au cours préparatoire (au CP). Elle relate cette étude et ses résultats dans son beau livre When boys become boys. Elle a remarqué, chez des garçons de quatre et cinq ans, à quel point ces derniers étaient attentifs, authentiques, expressifs et directs entre eux et avec elle. Durant les trois années de l'étude, elle a pu constater comment ils devenaient progressivement moins attentifs, moins expressifs, moins authentiques et moins directs les uns avec les autres et avec elle. Elle évoque comment leur présence relationnelle avait été remplacée par une posture ou un semblant relationnel. Elle décrivait ce qui se passe quand les garçons deviennent des « garçons » ou comment on dit souvent que les garçons sont. Mais ils ne se comportaient pas comme cela lorsqu’ils avaient quatre et cinq ans. Les garçons en savent plus qu'ils ne le montrent, conclut-elle. Donc, en d'autres termes, ce qu'elle a constaté, c’est la résistance de ces petits garçons à une initiation ou leurs tentatives de trouver des moyens stratégiques pour faire face aux pressions lorsqu'ils entrent à l'école pour prouver qu'ils font partie des garçons, dans une masculinité définie comme l'opposé de et en opposition à la féminité. »







Les rapports hommes / femmes biaisés dans un système de domination masculine, comme dirait Angèle, « Un jour peut-être ça changera ». En tous cas, on compte bien s’y employer !






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