Que celle à qui un ours bien « mâle » léché n’a jamais asséné un primaire « T’as tes règles ou quoi ? » après une réflexion mal accueillie se manifeste maintenant – ou se taise à jamais ! Comme si la désapprobation n’avait pas sa place finalement, comme si tout mouvement d’opposition était assimilé à un mouvement d’humeur hormonal déterminé par la science. Reléguer la femme à un mammifère dont le mode d’emploi serait tiré d’un manuel de Biologie de collège… Vraiment ? Parce que nous, là, on voit rouge…
« Être réglée » ou comment reléguer la femme à sa fonction reproductive :
De la guerrière « les anglais débarquent » à la bucolique « avoir ses coquelicots », la métaphore menstruelle en a inspiré plus d’un. Mais de toutes les expressions imagées et autres euphémismes– quelle que soit la langue et la culture - utilisés pour désigner la période des menstruations, être « réglée » vaut le détour. Ce « phénomène physiologique mensuel observé chez la femme non enceinte en période d'activité génitale, c'est-à-dire de la puberté à la ménopause, et caractérisé par un écoulement sanguin d'origine utérine » que sont les règles, va accompagner une femme une grande partie de sa vie d’adulte au point parfois de la définir notamment dans la publicité.
Être réglée pour une jeune fille, c’est comme rentrer dans le moule, un peu comme on rentre dans le rang. Ce qui devrait être perçu comme un symbole d’épanouissement du corps ressemble plus à une honte, une sorte de malédiction qui s’abat sur les jeunes filles dont il ne faut surtout pas parler à voix haute. C’est même « la semaine de la honte » en Afrique, déscolarisant une ado (honteuse) sur dix comme l’évoque l’ONG LSD, le Salon des Dames, sur son site.
Briser un tabou millénaire : le « sale » n’est pas celui qu’on croit
Les réseaux sociaux ont vu des femmes lever leur verre en forme de poing avec le hashtag #BoisMesRègles : une stratégie d’autodéfense sous forme d’uppercut adoptée par les femmes et visant à remettre les pendules à l’heure de ce gros béta de mâle alpha.. mais surtout à redonner leur visibilité légitime aux menstruations. Qu’y a-t-il donc de si sale dans ce sang menstruel, au point qu’on remplace systématiquement, pudibonderie oblige, le rouge sang par un autre fluide bleu dans la pléthore de campagnes marketing pour tampons, serviettes hygiéniques et autres dispositifs honteux réservés aux femmes qui saignent ? On va arrêter le suspense : RIEN. C’est cette mentalité entachée qu’il faut s’attacher à faire évoluer.
Il faut rendre leur légitimité aux règles : ni tabou, ni honteuses… seulement naturelles ; c’est en donnant de la visibilité aux menstrues sur la place publique et en réhabilitant le sang menstruel que les mentalités changeront.
La prise en charge de l’endométriose, ou du moins, sa reconnaissance a connu une timide avancée :
· avec la stratégie nationale adoptée par le gouvernement français,
· la création du premier site d’information dédié à l’endométriose Endoblum par le lab Heyme, un fonds de dotation qui mène des actions de prévention dans le domaine de la santé
· la reconnaissance mi-janvier 2022 de l’endométriose comme une Affection longue durée (ALD), par les députés, sans l’aval du gouvernement.
On en a fait, tout de même, du chemin, depuis le bûcher et les accusations d’hystérie ! Dans son ouvrage Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les règles sans avoir osé le demander, le médecin franco-canadien Martin Winckler, rappelle, au sujet de la dysménorrhée, le sort réservé par l’histoire aux femmes en souffrance :
« Combien de femmes ont-elles été brûlées comme sorcières – ou plus tard qualifiées d’« hystériques » – parce qu’elles souffraient, périodiquement, d’un syndrome prémenstruel ? »
Seulement, si l’on sort de cette perspective occidentale déjà assez peu folichonne pour les femmes et que l’on se tourne vers le tiers-monde, force est de constater que la chasse aux sorcières n’a jamais cessé : impures, cachées, bannies pendant leurs règles ; le sort bien ordinaire de femmes une semaine par mois. Occident comme Orient, les règles sont un instrument de contrôle des femmes : rendons donc aux femmes ce qui est aux femmes !
Aujourd’hui, des militantes du monde entier se mobilisent pour faire bouger les lignes, lutter contre l’obscurantisme en informant et en formant.
La jeune activiste népalaise Samikshya Koirala (Instagram @koiralasamikshya2016) dont le témoignage a été recueilli par l’ONG Amnesty International, raconte ses premières règles, la violence de la tradition qui entoure les menstruations mais aussi comment l’éducation a fait évoluer sa famille :
« Au Népal, les filles qui ont leurs règles peuvent être soustraites à la lumière du jour et à la vue des hommes jusqu’à 15 jours d’affilée. Certaines filles sont même exilées dans des étables – une tradition connue sous le nom de Chhaupadi.
J’avais 11 ans quand j’ai eu mes premières règles. […] On m’a cachée pendant cinq jours. Quand je suis revenue, je n’ai pas eu le droit de toucher les membres masculins de ma famille pendant 11 jours, ni d’entrer dans la cuisine pendant 19 jours. Je n’ai pas osé dire à mes amies où j’avais été – j’étais la première de ma classe à avoir mes règles et j’étais très timide.
Un jour, un groupe de jeunes femmes est venu à mon école pour nous parler des menstruations. Ce jour-là, tout a changé – elles nous ont appris énormément de choses et nous ont donné les connaissances nécessaires pour remettre en cause les traditions. Au début, ma famille était en colère et j’ai dû lui faire comprendre que cette tradition existait parce que les règles étaient beaucoup plus difficiles à gérer autrefois. Maintenant, nous avons des serviettes et c’est beaucoup plus hygiénique. Les choses n’ont pas été simples, mais il n’y a plus de restrictions liées aux règles dans ma famille.
Je fais partie du groupe étudiant d’Amnesty International à l’Université de Katmandou, et je fais évoluer la façon dont les gens perçoivent les menstruations au sens large. Nous faisons des vidéos, organisons des rassemblements et gérons des programmes locaux destinés aux garçons et aux filles dans les zones rurales. Lorsque nous entendons des enfants parler ouvertement de ces questions, c’est un moment de fierté pour nous. »
Non, les ragnagnas c’est pas gnangnan : il est temps de parler sans tabou, d’éduquer pour faire sauter les préjugés et les croyances machistes tenaces… Et surtout, femmes d’ici et d’ailleurs, vivez vos menstruations comme vous l’entendez !
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